samedi 21 juillet 2007

Un monde nouveau

En surface.
L'ultime seconde quitte la scène gênée d'être là encore.
Le flot saccadé de secondes affolées se régule petit à petit. La tension retombe.

En surface, un monde calme et tranquille est irisé d'un vent nouveau.

Sous la surface.
Tout le monde retient son souffle, s'attachant de toutes ses forces à cette vie qu'il ne maîtrise plus.

Chacun réagit à sa façon et selon sa nature.

La vie qui était ouverte sur l'avenir, palpitante de rires et d'amitiés, se recroqueville sur elle-même : un égoïsme devant la mort où rien ne compte que sa propre survie.

Chaque corps se tord et se cambre dans une tension de vie, dans une ultime énergie utilisée à faire face, à résister au souffle.

Le vivant s'organise et s'adapte :
Enfoncer ses racines dans la terre. Se faire le plus plat possible. Rassembler ses énergies.
Crispation ; corps arqués et doigts comme des serres, les pieds profondément fichés dans la terre. Etre prêt à la lutte.

De la résistance à l'abandon, d'autres postures sont possibles, plus rusées et malignes.
S'accommoder du danger et ployer sous le poids du vent.
Faire avec les circonstances les arrangements qui s'imposent. Vendre un peu son âme en espérant en préserver l'essentiel. Se mettre dans un courant d'énergie positive, user d'habiles stratagèmes et de tours tarabiscotés et sortir de l'aventure pas tellement blanchi peut être mais pas damné non plus, et en vie.

Ici, en la matière, chacun mise tout - impossible de tergiverser - les circonstances l'exigent. Espérance et foi, sacrifices et petits calculs, chacun sait déjà que son destin ne lui appartient plus.

Le choc est sévère.
Pas de ces séismes connus et mesurés cent fois, rééquilibrant la balance, créant de petits déséquilibres salutaires, formant des émotions salvatrices, comme autant de reliefs irisant d'une saveur nouvelle la plaine d'une vie morne. Alimentant de petits drames, à échelle humaine, des revers de fortune. Détournant le destin dans un sens plus heureux, laissant croire à l'illusion de dividendes promis par une vie de calculs, alors qu'il ne s'agit que des bénéfices des facéties d'une vie de hasard.

Un monde s'est vitrifié à la vue de l'abîme, a arqué son corps dans une crispation d'effroi, puis, dans un soulagement sourd, a relâché ses muscles. Mais la vie alentour en a été changée.

Un monde nouveau a éclos du chaos.

Plus d'harmonie ni de rationnel. Finis les équilibres rassurants de constructions ordonnées. Pas de greffon d'éléments nouveaux sur une réalité ancienne. Pas de partage de morale et de valeurs.

Une naissance comme une gifle, créant dans un éclair de big-bang des vies en raccourci. Des éclairs fugaces où, dans un souffle, on entrevoit une époque déjà, avec toute son inertie, une esquisse de monde bariolé de couleurs.

Un monde né d'un tout. Un monde fini, entier, logique à lui-même. Pareil à aucun autre. Ayant sa propre logique, ses inclinaisons et équilibres, drames et espoirs.

Un dynamitage initial qui procède à une nouvelle naissance. Les éléments épars, libérés d'un trop plein d'émotion flottent dans l'air et s'agrègent à nouveau après quelques instants passés en suspension. Comme ces poussières d'étoiles dans les pièces baignées de clair-obscur, qui s'affolent au moindre courant d'air, se dispersent et se télescopent formant des univers nouveaux.

Un monde atomisé se recrée du chaos.

Un monde de superpositions de temps et d'espaces. Un patchwork hybride de personnages évoluant dans différentes dimensions rassemblées en une seule.

Un monde de tout englobant le tout. Une bibliothèque où les possibles se côtoient à égalité. Une juxtaposition d'époques et de couleurs.

Noirs et blancs des vieux films de nos grands-mères. Personnages tout en hauts- de-forme et rouflaquettes se dandinant de satisfaction, tressautant pour l'éternité sur une pellicule fragile, promenant à leur bras des bourgeoises corsetées, sévères et hautaines, mais innocentées pourtant par une blancheur d'opaline et la patine du temps.

Premier technicolors, fébriles et criards, mais affichant déjà la certitude effrontée des vainqueurs.

Pastels de notre enfance où rien ne semblait grave, nous revoyant emmitouflés et muets dans des pulls Jacquard aux oranges vifs et marrons de delirium tremens. Riants.

Les couleurs de nos vies, au seuil de l'entendement, presque virtuelles déjà.

Du souffle de l'explosion sont nés des personnages hybrides, humains, mais au-delà… Des enveloppe renfermant des époques et des destins, des vies riches et denses, comme formées de plusieurs corps et de plusieurs vies.

Ce sont les acteurs d'une pièce à leur mesure :

Clara la grande cantatrice
Nino le clown
Bango le mystique

Aucun commentaire: