jeudi 5 juillet 2007

Une naissance comme une gifle - 1

Jeu de miroir.

D'un côté de l'écran, l'agitation aseptisée d'une salle informatique.

Dalles de moquette brune de carrés réguliers. Murs blancs, craquelés et défraîchis par endroits. Labyrinthe ordonné de consoles et de tours délimitant des jardins secrets. Des gobelets aux intérieurs marbrés de la fine mousse brune et aigre d'un café bon marché. Animaux en plastique, mutants aux abdomens ventousés, tu les lèches, ils collent. Reliques de trombones torturés. Touillettes martyrisées. Documentation entassée formant des villes aux tours incertaines hantées des visages de développeurs aux fronts démesurés d'alien, laissant flotter leurs regards de nuits blanches parmi une petite équipe de zombis affairés.

Faux rythme des journées laissant alterner les heures molles creusant leur lit au coeur de l'après midi, laissant à chacun un parfum doucereux de vague à l'âme et de mélancolie, avec les rushs de débuts de projets. Des mises à jour vingt fois par jour, des modifs de trois fois rien, des rattrapages de dernières minutes de chartes graphiques dézinguées. Des télescopages, des vracs de délais, des regards en coin, complices. C'est parti, le mal est fait - déphasage total...

Les Ames follettes sont nées d'un rush de début de semaine. De l'urgence d'un monde d'intérimaires de pacotilles peuplant de leur carcasse décharnée les pages des sites Internet en construction. Elles sont les habitantes incertaines d'un univers parallèle, voisines des « Lorem ipsum dolor sit amet...», copines de faux textes et de faux amis.

La vie de ce peuple de l'absurde ne dure d'ordinaire que le temps d'une validation de maquette, d'un échange de mail, bref, d'une mise en test sur un serveur bringuebalant, crachouillant ses données au compte goutte à un client impatient ; sonar émettant ses pulsations régulières dans un océan de tristesse.

Leur existence est brève ; flash lumineux à l'image de ces papillons aveugles errant au gré du vent d'une journée de bonheur avant d'être, au soir, des papillons évanescents errant au gré des courants contraires d'un nuit d'encre.

Les Ames follettes, pourtant ont eu un tout autre destin.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ce suspense est insoutenable... Ces trois premiers articles tout pleins de poésie laissent présager une jolie suite.

Henri a dit…

J'espère, tu me diras ! Bientôt la suite des aventures des âmes follettes en déroute...